Le premier article
Par Romain Fonck : Contrer la communication par la communication
Avez-vous été sur le site internet de la SCPP ? Vous auriez-là une excellente démonstration de mauvaise foi ; sur la page d’accueil s’ouvre un petit pop up qui affiche ceci :
« ECHANGER GRATUITEMENT DE LA MUSIQUE SUR INTERNET, C’EST REDUIRE AU SILENCE CEUX QUI LA FONT.
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Promusicfrance vise à réunir tous les acteurs de la musique pour dire oui à la création, stop au tout gratuit et vive le développement équitable des services de musique en ligne. »
Vous remarquerez que la SCPP essaie de mettre en place un discours précis. Elle essaie d’insinuer que les pirates ont des méthodes qui conduisent à un totalitarisme par l’expression : « réduire au silence ceux qui la font », et elle se place (sans succès) dans une mouvance du type alter-mondialiste en utilisant des expressions du type : « développement équitable des services de musique en ligne », comme s’il y avait un commerce équitable pour les pauvres Majors... Ceci est typique d’une stratégie de communication, très insidieuse, mais qu’il est néanmoins facile de contrer. Son but est de distiller l’amalgame dans l’esprit du consommateur lambda, et de forcer à changer son avis en utilisant des mots et des formules appropriées. Ceci s’appelle une dialectique. C’est pour cette raison qu’il est primordial d’exposer des arguments simples et rationnels permettant de détruire ce type de discours. Surtout il faut essayer de renverser le diptyque : Majors=Gentils et Internautes=Méchants. C’est un contre discours que je souhaite proposer.
1.Le point de vue économique sur le peer-to-peer
Faut-il croire que le peer-to-peer est responsable de la baisse des ventes de disques ? En fait nous sommes-là en présence d’un problème sur lequel il est difficile de trancher, car il semblerait que la baisse de la vente de CD est corrélée avec la hausse du taux d’équipement haut débit chez les particuliers. Mais corrélation ne veut pas dire causalité. Remarquons que les ventes de DVD ont aussi pris leur essor dans la foulée. Doit-on en déduire que plus on vend de DVD, plus le taux d’équipement ADSL croît ?
C’est là que se situe l’absurdité du discours des Majors, nous faire croire que, parce que deux phénomènes sont concomitants dans le temps, ils sont reliés. En réalité, si il y avait une baisse des ventes de produits culturels, la FNAC, Virgin, et autres distributeurs se seraient joints aux flots des critiques de la SCPP, de la SACEM et des Majors. Or ça n’est pas le cas. Mieux : des grandes enseignes comme Carrefour, Auchan, mettent en place dans leurs hypermarchés des rayonnages géants remplis de CD et DVD. Alors si les produits culturels sont en crise, par quel miracle investit-on encore sur ce secteur ?
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2.Le statut pas très avouable des Majors
Les Majors cherchent à distiller le fait que leurs résultats économiques viennent du piratage. Ce résultat est faux, mais il est facile de comprendre pourquoi ils défendent cette thèse : c’est une stratégie de communication financière destinée aux actionnaires. Les actionnaires sont d’autant plus enclins à accepter des mauvais résultats financiers si ceux-ci ne sont pas dus à des erreurs de management, de stratégie, etc. En fait, quand Pascal Nègre, au nom d’Universal, parle de piratage et des problèmes de la rémunération des albums et des artistes, il défend son propre poste. Et ça, c’est quelque chose qu’il ne faut jamais oublier. En plus il essaie de mettre un maximum d’artistes de son coté en prenant bien soin de préciser que ce sont surtout eux qu’on spolie, mais on évite le sujet de la rémunération des majors sur le dos des artistes. Remarquez néanmoins que la série publicitaire que nous pouvons « admirer » dans nos rue : « Téléchargez moi légalement » met en valeur des artistes qui ne sont, comme par hasard, pas des hits de téléchargements sur eMule ou BitTorrent (mais qui donc télécharge Aznavour ?). Pire, pour certains, comme Louis Chedid, participant à cette campagne, il est impossible de les télécharger légalement.
Comble de l’absurdité de la situation, des artistes ont signé la pétition du Nouvel Observateur : « libérez la musique », et pas des moindres (Bénabar, M, Manu Chao, Sinclair, Bob Sinclar...). Alors qui donc a peur du téléchargement de la musique ? Il ne faut pas croire le discours des Majors qui expliquent que nous sommes responsables de la fin de la création artistique. Molière (ou ses descendants) touchait-il des droits d’auteur ?
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Le second article
Par Romain Fonck : Contrer la communication par la communication. (voir partie 1)
3.Le problème sous jacent à la lutte des Majors
Il y a une conséquence assez inattendue à la lutte contre le téléchargement des fichiers musicaux, c’est le développement des programmes anonymes ou fermés (à nombre d’utilisateurs restreints et contrôlés). Des programmes peer-to-peer qui préservent l’anonymat comme Mute et Ants présentent de graves dangers d’utilisation. Et plus les Majors vont essayer d’accentuer leur lutte, plus ces programmes vont devenir attractifs.
Je n’ose imaginer les conséquences d’un tel engouement : ce ne sont pas uniquement les films et la musique que les gens vont se partager, ça pourra être aussi des livres et documents néonazis, des photos et films pédophiles, des fichiers cryptés que s’échangeront des cellules terroristes, et sans aucun contrôle possible puisque aujourd’hui le peer-to-peer permet encore la traçabilité.
Il faut bien comprendre que les logiciels peer-to-peer ne sont pas en cause. Ce sont leurs utilisateurs qui sont attaqués. Et un logiciel anonyme ne sera pas plus mis en cause qu’un eMule ou qu’un Kazaa. C’est pourquoi il faut impérativement communiquer sur ce thème, sinon les Majors rendront trop attractifs des logiciels qui, sur le papier, répondent au problème des téléchargeurs, mais qui pourraient favoriser des attitudes répréhensibles.
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4. Première Conclusion : Vers une dialectique de combat
Puisque les Majors et la SCPP cherchent à criminaliser les internautes adeptes du peer-to-peer, nous devons les défendre avec une contre dialectique appropriée. Par exemple, il ne faut pas dire que les ventes de CD baissent, mais dire que les ventes de produits culturels augmentent. Il ne faut pas dire que les internautes spolient les artistes, mais brisent le monopole des majors.
A chaque fois qu’on nous parle de difficultés pour les majors, il faut insister sur la stratégie de communication pour les actionnaires, les erreurs de stratégies de ces Majors qui gagnent moins d’argent parce qu’elles n’investissent pas sur de nouveaux artistes mais plutôt sur la « star’ac ». Il faut expliquer que ce n’est pas une Major qui fait la qualité d’un artiste, mais sa production dans un album et sur scène.
Il faut aussi sortir l’éventail de données scientifiques, expliquant le peu d’effet du peer-to-peer, et surtout, citer ses sources, surtout quand elles sont aussi prestigieuses que l’ENS ou qu’Harvard. Le discours de la SCPP ne tient pas quand on dit « c’est prouvé par... ». La stratégie des Majors est basée sur un mensonge. Nous devons donc expliquer à quel point celles-ci sont de mauvaise foi. Une fois ce discours répandu, il ne faut pas oublier que 8 millions d’internautes, ce sont 8 millions d’électeurs... ce qui peut servir à sensibiliser un gouvernement. Le but est de légaliser le téléchargement en peer-to-peer, et seule une impulsion politique permettra de mettre un terme à l’attitude dangereuse des Majors. Le gouvernement ne parle pas encore de licence légale. Visiblement c’est un mot tabou, une limite à ne pas franchir. Mais pourquoi donc un gouvernement se priverait-il d’une mesure populaire ?
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Le troisième article
5.Application : Petite analyse de l’interview du Directeur de la SACEM
Il faut bien reconnaître que cette interview est remarquable. Elle met parfaitement en valeur cette dialectique que nous avons décryptée. Nous allons donc reprendre les propos de Laurent Petitgirard pour les analyser et en faire un commentaire, à l’aune de notre réflexion. Néanmoins il faut bien reconnaître l’intelligence du propos de ce Monsieur, et la clarté de son intervention, qui n’est pas habituelle pour ces professionnels du secteur. Toutefois, le même type d’argumentaire est mis en valeur mais de manière beaucoup plus fine !
« Une érosion des ventes, due à une lassitude ou à la fin de la séduction d’un support sur le public, se manifeste toujours de la même façon, à savoir une stagnation, puis une baisse progressive, au grand maximum de 5% des ventes. Ici nous parlons d’un cataclysme. La Sacem a perçu et donc réparti 24% de droits en moins pour 2004 que pour 2003. »
D’emblée, le peer-to-peer est considéré comme responsable, sans aucune contestation possible. Laurent Petitgirard nous place dans un cadre fixé à l’avance. Cette méthode dialectique permet directement de rentrer dans le vif du sujet en évitant les écueils, entre autre de l’origine de la baisse des ventes, en l’occurrence un arbitrage des consommateurs vis-à-vis d’autres produits culturels.
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