Un front commun se dessine en faveur d’une exception pour le text and data mining

Le collectif SavoirsCom1 tient à saluer la prise de position commune de l’ADBU et du consortium Couperin relative au text and data mining (TDM), suite à leur audition par le Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique (CSPLA). Le consortium et l’association mettent en garde contre les menaces que fait encourir à la recherche la voie contractuelle. Celle-ci s’avère inadaptée aux pratiques des chercheurs et comporte des dispositions susceptibles de porter atteinte à leur indépendance. Certaines clauses sont synonymes de limitation de la portée de l’exception de courte citation et de restriction des conditions de réutilisation des données de la recherche. Enfin, la voie contractuelle est la porte ouverte à la constitution d’un nouveau marché de services basé sur la fourniture d’extractions de données, marché sur lequel les éditeurs garderaient la haute main. Couperin et l’ADBU montrent bien comment le droit à l’exploration des données scientifiques est indissociable du droit de lire et comment les pratiques de TDM ne télescopent pas mais neutralisent la revendication de droits de propriété intellectuelle liés aux bases de données.


Cette position rejoint celle déjà exprimée par le collectif SavoirsCom1, LIBER ou plus récemment encore, par le groupe d’experts européens mandaté par la Commission Européenne. Un front se constitue pour réclamer l’introduction d’une exception au droit d’auteur visant à sanctuariser les pratiques de traitement automatisé des données à des fins de recherche, à l’image de ce que le Royaume-Uni envisage de faire.

Néanmoins, SavoirsCom1 s’étonne de la contradiction dans laquelle Couperin se place en dénonçant la clause d’Elsevier sur le TDM après l’avoir lui-même ratifiée dans le protocole d’accord de licence nationale signé avec l’éditeur :

« Le consortium Couperin, qui vient de négocier avec Elsevier une licence nationale permettant la pratique du TDM sous les conditions que l’on vient de décrire [licence restrictive imposant le recours à une API fournie par l’éditeur et ne permettant le chargement que de 10 000 articles par semaine], souhaite à travers cette disposition identifier les usages que les chercheurs feront de cette fonctionnalité. Il estime que les possibilités de TDM proposées par Elsevier se relèveront foncièrement inadaptées aux pratiques de recherche. »

Ainsi donc, Couperin aurait validé la clause de TDM afin de réaliser une expérimentation permettant de démontrer in concreto l’inadaptation de ce type de clause ? Pourquoi faire encourir à la recherche française les risques de cette démonstration par l’absurde ?

Quoi qu’il en soit, la prochaine étape consistera dans la remise par le CSPLA de son rapport. SavoirsCom1 espère à ce moment que tous les acteurs concernés pourront agir ensemble afin de faire entendre leur voix.

D’ici là, les professionnels des bibliothèques doivent avoir conscience que toute nouvelle signature d’une clause contractuelle relative au text et data mining nous éloigne de la possibilité de trouver une solution plus satisfaisante par la loi. C’était d’ailleurs le but réel visé par Elsevier en présentant cette clause dans son accord. Plus des accords similaires seront acceptés par les bibliothèques, plus il sera difficile de militer en faveur d’une exception législative robuste.

Par ailleurs, la question se pose de savoir quand une opportunité se présentera pour défendre l’introduction d’une telle exception dans la loi. La future loi sur la création, pour laquelle le calendrier n’est pas encore fixé, sera pilotée par le Ministère de la Culture, qui sera par nature réticent à agir à propos d’un sujet concernant la recherche. Il appartient donc au Ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche de se saisir de la question du data mining, afin qu’elle ne soit pas traitée exclusivement sous l’angle restrictif qui est celui du Ministère de la Culture quand il s’agit d’exceptions au droit d’auteur.

Au-delà, il est évident que les chercheurs eux-mêmes devraient faire entendre leur voix sur le sujet et que les chances d’obtenir une évolution seront beaucoup plus fortes s’ils se mobilisent en faveur d’une exception pour le data mining.

Crédits photo : Hard Hats. Par b3d_. CC-BY 2.0

Via un article de SavoirsCom1, publié le 15 avril 2014

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