Réflexions post-MOOC du Professeur Antoine Flahault : « Je sors renforcé dans ma conviction que ces techniques ne sont pas une passade. »

De janvier à mai 2014, le Centre Virchow-Villermé a lancé ses quatre premiers MOOC portant sur la santé publique. Antoine Flahault, co-directeur du Centre et Professeur de santé publique a participé à cette aventure avec le MOOC « Contrôler une épidémie de maladies émergentes infectieuses ». Au terme de la première session de diffusion, nous avons recueilli ses impressions sur les aspects positifs de ce dispositif et leurs limites. En s’immergeant au coeur des MOOC, Antoine Flahault fait ainsi transparaitre son implication et sa curiosité pour cet objet qui cherche aujourd’hui encore sa place au sein de l’enseignement supérieur.

Que retiendrez vous principalement de cette expérience ?

J’ai trouvé extrêmement intéressant les interactions avec les participants qui ont été riches et très variées. Beaucoup de questions sont apparues, inattendues et très enrichissantes pour le cours en lui-même. J’ai été surpris aussi par la qualité des échanges. Je redoutais en effet, à cause de mon expérience sur les blogs, des commentaires simplistes, inappropriés, provocateurs et peu contributifs. Et tout le contraire s’est passé !

J’ai aussi apprécié l’interaction avec l’équipe depuis la production jusqu’à la délivrance du MOOC. Le MOOC change l’exercice d’enseignement au sens où cela devient un travail beaucoup plus collectif. Même dans le cas des quatre premiers MOOCs du Centre qui sont mono-professeurs et enclin à une « starification », il y a eu de véritables interactions. Au moment de la session, l’équipe composée de plusieurs ingénieurs pédagogiques, jeunes chercheurs, était très soudée et son aide a été précieuse face au rythme qui est rapide et intense.

En quoi ce rythme vous a marqué ?

Pour un professeur, le rythme du MOOC est nouveau. Nous avons l’habitude de quitter la classe à la fin du cours. Là, nous avions tourné les cours en juillet et le MOOC a débuté en février. Le contenu du cours n’est alors plus très frais. C’est très différent des questions auxquelles est confronté le professeur à la fin d’un cours d’amphi. Ce même décalage doit être vécu par les écrivains, on leur parle de leurs personnages comme si ils les avaient élaborés la veille, or ils les ont conçus, inventés des mois auparavant. Ce phénomène de décalage est une des caractéristiques nouvelles dont je n’avais pas l’habitude.

 Y a t-il d’autres éléments qui vous ont surpris ?

L’hétérogénéité de l’auditoire. Les participants ne sont pas des élèves, beaucoup étaient des professionnels. Alors que l’hétérogénéité peut être un facteur de ralentissement dans un cours classique lorsqu’il y a des décalages de niveau dans une classe. Dans le MOOC, cela ne semble pas nuire à l’ensemble du groupe. Les participants peuvent évoluer à leur rythme, rejouer une nouvelle séquence, chercher une réponse sur Google, Wikipedia… La réunion extrêmement hétérogène que met en œuvre le MOOC est compensée par l’outil en lui-même. Cette hétérogénéité n’est alors pas un facteur de ralentissement ou de confusion générale mais au contraire un paramètre enrichissant. J’ai trouvé en tout cas des réflexions de participants notamment de pays en développement d’Afrique et des Iles très pertinentes en matière d’alerte sanitaire sur des sujets actuels et urgents.

La réunion extrêmement hétérogène que met en œuvre le MOOC est compensée par l’outil en lui-même.

Il est vrai cependant qu’il y a beaucoup de « dropouts », de nombreux participants ne vont pas au bout du cours. Peut-être que nous faisons face à une forme de darwinisme : les personnes qui ne comprennent pas s’en vont ou ne s’accrochent pas. Mais il manque aujourd’hui des données pour comprendre les raisons de cette interruption en cours de session.

Voyez-vous des points qui devraient être améliorés ?

J’ai en effet été frustré par le manque d’accès aux données concernant les étudiants. Qui sont les « dropouts » ? Pourquoi arrêtent-ils ? Combien de fois regardent-ils une vidéo ? Concernant la plateforme, j’aurais aussi aimé d’avantage de capacité technique. J’aurai rêvé faire de l’évaluation par les pairs (peer-assement) ou encore que la plateforme permette la constitution de groupes de participants pour des rencontres en présentiel près de leurs résidences. Ma déception également a été la traduction et l’accessibilité linguistique. La plateforme n’était pas adaptée à des MOOCs multilingues. Or c’est un chantier très important pour les années à venir.

Concernant la plateforme, j’aurais aussi aimé d’avantage de capacité technique.

Malgré cela, si j’avais à conclure, je sors d’abord renforcé dans ma conviction que ces techniques ne sont pas une passade. Je suis convaincue que c’est l’avenir de l’université. Les étudiants et les participants au sens large vont aller désormais tout au long de leur vie sur ce type de plateforme. Elles sont adaptées à notre époque et offrent une grande flexibilité. Mais dans les universités, ces dispositifs doivent encore faire la preuve de leur utilité. Les séquences de MOOCs sont selon moi des briques pédagogiques à intégrer dans des formations d’enseignement supérieur.

CC_BY_SA_001 Ce(tte) œuvre est mise à disposition selon les termes de la Licence Creative Commons Attribution – Partage dans les Mêmes Conditions 4.0 International.

Centre Virchow Wellermé

URL: http://virchowvillerme.eu/
Via un article de Célya Gruson-Daniel, publié le 5 septembre 2014

©© a-brest, article sous licence creative common info