Cités de tous les pays, unissez-vous !

La gouvernance mondiale a échoué. Les Etats-nations vieillissants se fissurent. Partout, ceux qui se battent au nom du progrès subissent défaite sur défaite. Il est urgent de rebattre les cartes. Rebelles, innovateurs et visionnaires : sonnons la retraite, rassemblons nos forces et préparons-nous à livrer les prochaines batailles là où la victoire est encore possible.

C’est une époque douloureuse pour tous ceux qui défendent une certaine idée du progrès. Les vastes mouvements sociaux qui s’étaient multipliés dans l’immédiat après-crise ne sont plus qu’un lointain souvenir, de même que les espoirs qu’ils avaient suscités. Au contraire, ce sont aujourd’hui les forces de la régression qui tiennent le haut du pavé. Chaque nomination, chaque mesure annoncée par le Président américain Donald Trump est un pas de plus vers la faillite morale d’une nation qui se considérait encore il y a peu comme le “leader du monde libre”. On se souviendra peut-être du Brexit comme du coup fatal à la construction européenne, dont l’idéal, en toute honnêteté, avait depuis longtemps été foulé au pied par les Européens eux-mêmes à Athènes, Madrid ou Lisbonne. La Russie, la Turquie et bien d’autres, sont en train de sombrer dans l’autoritarisme. Convulsions politiques et économiques continuent de secouer l’Amérique Latine. Quant au Moyen-Orient, pas de fin à ses tourments à l’horizon. Sous nos yeux, c’est tout l’ordre international né au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale qui est en train de se désagréger. Le concert des nations s’est avéré incapable de relever les grands défis de notre temps que sont le réchauffement climatique, le creusement des inégalités et la crise migratoire la plus grave de l’histoire récente.

Nous ne pouvons plus nous voiler la face plus longtemps : nous sommes en train de perdre le combat.

Il est temps d’adopter une stratégie radicalement différente.

Il est temps de reprendre la main.

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Parfois, pour éviter une débâcle définitive, il ne reste plus qu’un mouvement tactique : la retraite. Nous pensons que ce moment est venu. Rebelles, innovateurs et visionnaires : rassemblons nos forces en vue des batailles à venir !

C’est dans les villes que nous lancerons la contre-attaque.

C’est depuis les villes que nous inversons le cours des choses.

Car peut-être les nations ne furent jamais le bout du chemin. Les époques dominées par les cités-Etats furent souvent synonymes de grand bond en avant pour l’humanité. Les cités d’Ur, Babylone, Athènes, Carthage, Rome, Venise ou Gênes n’étaient pas simplement les centres politiques de leur temps, elles incarnaient aussi l’avant-garde artistique et culturelle en même temps que le laboratoire des institutions modernes. Le progrès n’est pas un processus linéaire : un nouvel âge d’or est encore possible. Les cités, à nouveau, pourraient bien constituer les briques à partir desquelles reconstruire un futur commun.

Plus de la moitié de la population mondiale vit désormais dans une ville, et cette proportion devrait atteindre les 70% d’ici le milieu du siècle. New York, Tokyo, Londres, Paris, Beijing, Rio… Au cours des dernières décennies, un petit groupe de villes-monde n’a cessé de concentrer toujours plus d’habitants et de ressources financières, culturelles et intellectuelles. Londres seule représente 22% du Produit Intérieur Brut britannique. La moitié des Sud-Coréens vit dans l’aire urbaine de Séoul. En 1950, Lagos comptait 290 000 âmes. Elles sont aujourd’hui 20 millions, et selon certaines projections, devraient atteindre 40 millions à l’horizon 2050.

Les villes sont des géants qui semblent ignorer leur propre force. Aujourd’hui, seul leur manque un véritable poids politique. Mais, pour combien de temps encore ? Déjà, les grandes villes américaines entrent en résistance contre l’administration Trump. En Espagne, des maires issus de la société civile ont réussi à investir plusieurs grandes villes du pays.

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D’un autre côté, le fossé entre les citadins et le reste de la population ne cesse de se creuser. Dans leur écrasante majorité, ceux qui se considèrent comme “progressistes” vivent dans les grandes villes. Si vous lisez ces lignes, vous être probablement l’un d’entre eux. A San Francisco ou Seattle, moins de 10% des électeurs ont apporté leur suffrage à Trump. Le maire de New York, Bill de Blasio – qui fut un sympathisant d’Occupy Wall Street – a d’ores et déjà annoncé que la municipalité ferait tout ce qui est en son pouvoir pour protéger les New-yorkais contre les politiques fédérales décidées à Washington. En France, lors des dernières élections régionales, le Front National a convaincu moins de 10% des électeurs en région parisienne, contre 30% au niveau national. Quant aux Londoniens, ils se sont massivement prononcés en faveur du “remain” (75,3%).

C’est un véritable schisme.

Les banlieues surpeuplées et les villes moyennes ont été abandonnées sur le bord de la route, les campagnes pressurées et vidées de leurs ressources. De la vague de colère qui vient, rien de bon ne sortira. Mais cette vague de colère ne sort pas de nulle part.

Il est facile de défendre l’idée de progrès quand on se trouve tout à la fois du bon côté de la barrière et de l’histoire. Il n’y a pas de quoi être fier. Tous ceux qu’on a relégués dans les périphéries, géographiques et symboliques, ont toutes les raisons d’être en colère.

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Inutile de nous raconter de nous mentir : les grandes villes, sous leur forme actuelle, sont à la racine de bon nombre des problèmes auxquels la planète doit aujourd’hui faire face.

Elles sont le siège d’une ségrégation géographique et économique sans précédent. Le boom de l’immobilier dans les grandes agglomérations au cours des trente dernières années a largement alimenté la dynamique des inégalités. Les villes engloutissent une quantité faramineuse de ressources naturelles et d’énergie, et rejette autant de déchets. Elles sont le coeur du désastre écologique imminent.

Raison de plus pour concentrer nos efforts collectifs au niveau des villes. Qui mieux que celui qui se trouve à la source d’une dérive pour la corriger ? L’échelon mondial nous dépasse, et face à lui, nous ne pouvons que nous sentir impuissants. Pourquoi ne pas relever les défis globaux un à un, à une plus petite échelle, pour s’efforcer ensuite de concevoir une réponse coordonnée ?

Il est temps que les villes-mondes prennent leurs responsabilités et jouent enfin un rôle moteur dans la grande transformation en cours, non seulement pour leur bien propre, mais également pour celui des périphéries, des villes moyennes et des campagnes.

Grâce à une culture cosmopolite en gestation dans les grands centres urbains et aux technologies de l’information, il est désormais possible pour les villes d’inventer un nouveau type d’organisation mondiale en réseau qui se substituera à terme au système international vieillissant.

Nous ne sommes pas en train de vous inviter à déserter les échéances électorales nationales. Mais depuis combien d’années n’avez-vous pas voté par conviction ? Combien de temps encore nous rendrons-nous dans l’isoloir pour simplement faire barrage ? Nous avons gagné du temps aussi longtemps qu’il était possible. Mais les digues sont sur le point de rompre.

Le coeur du combat est ailleurs.

Rebelles, innovateurs et visionnaires, à vous de prendre le pouvoir.

Cités de tous les pays, unissez-vous !

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Via un article de OuiShare, publié le 14 février 2017

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