Reprise sur a-brest de l’interview publiée sur le site de l’Injepp
Amener l’ordinateur aux personnes, pour qu’elles viennent à lui
Tout cela a commencé il y a cinq ans par une action de bibliothèque dans la rue, Jean-Paul se rendant au pied des immeubles environnants pour faire lecture et bibliothèque. Les livres utilisés proviennent de dons des habitants du quartier. Le bureau de Jean-Paul à la MPT en est envahi. Ici, les livres circulent !
La MPT possède sa salle d’ordinateurs, qui est un des PAPI (Points d’accès publics à Internet) de Brest. Mais elle est à l’époque peu fréquentée par les familles du quartier. Désintérêt ? Appréhension ? Pourtant, un sondage auprès des habitants révéle qu’ils souhaitent accéder aux nouvelles technologies. Peut-être faut-il, dans un premier temps, venir à leur rencontre avec elles ?...
La MPT répond à l’appel à projet lancé par la mairie de Brest en 2002, ce qui lui permet d’acquérir un ordinateur portable. C’est le début du projet « Au pied de ma tour », l’ordinateur accompagnant désormais les livres dans la rue, tous deux trouvant leur complémentarité dans un travail sur l’écrit.
Depuis, le PAPI de la MPT voit venir des voisins, jeunes et moins jeunes pour réaliser des tâches souvent effectuées pour la première fois dans une cage d’immeuble ou sur l’herbe du stade tout proche : mettre à jour un curriculum vitae, effectuer en ligne une déclaration d’impôts, mais aussi envoyer un courrier électronique, composer un poème, inventer une histoire, écrire un souvenir, etc.
« Comment détacher les gens d’un écran ? Avec un autre écran ! »
Jean-Paul s’installe dans différents lieux. Le chemin qui mène au centre commercial lui permet de rencontrer les mères de famille. Pour se rapprocher des jeunes, c’est plutôt le terrain de basket. Il pose chaque semaine son ordinateur dans trois lieux réguliers dans le quartier du Valy Hir. Il participe également à des activités dans d’autres PAPIs, avec d’autres MPT ou associations de la rive droite, parfois aussi avec la Ligue de l’Enseignement ou le comité d’entreprise d’une grande entreprise voisine. Loin est le temps où ce médiateur du livre intriguait en inspirant la méfiance. Maintenant, on le demande et on le redemande.
Il change de lieux... et aussi de styles. Son travail autour de l’écriture prend différentes formes, avec et sans ordinateur : poème saisi au clavier, blog, slam, haïkus, conte lu à voix haute dans une crèche... fabrication de marionnettes ! Cela lui permet de toucher des publics qui ont de 1 à 86 ans, telle cette vieille dame qui saisit l’occasion de la Saint-Valentin 2004 pour composer un poème.
L’objectif de cette médiation par le livre est simple : tisser des liens par l’écriture, permettre aux personnes de se rencontrer et de participer à des projets collectifs, les aider à entrer dans l’univers d’Internet, de la création et de la communication et, dans la foulée, briser l’enfermement culturel auquel nous réduit le plus souvent le « petit » écran de la télévision.
« Les gens remontent les épaules »
Ce travail d’écriture, de création et d’échange permet à chacun de se découvrir des compétences et des appétits ignorés... ou oubliés.
Des poèmes sont maintenant édités [3], ainsi que des CD-Rom de contes enregistrés par les enfants, dont certains sont sourds. Les gens se lisent et s’inspirent les uns les autres, on en parle dans le quartier et dans la ville. La télévision régionale vient de faire un reportage que Jean-Paul a enregistré sur le portable pour montrer à ceux qui ne l’ont pas vu.
Le press-book de la MPT est impressionnant. Pas un événement local ou national autour du livre, du conte ou de l’écrit auquel le quartier ne participe.
« Les gens remontent les épaules », dit Jean-Paul. Les mots et liens tissés par le livre et l’ordinateur produisent de la reconnaissance sociale pour le quartier et chacun de ses habitants.
Cela stimule pour aller vers de nouveaux projets, comme ce projet de « mémoire intergénérationnelle » qui vise à redonner sa mémoire à la ville autour d’un événement bien particulier : l’explosion du bateau Ocean Liberty en 1946, qui a détruit une partie du port de Brest. « Ce sera sans doute l’occasion de se rendre compte que les explosions peuvent détruire, mais aussi les mots », souligne Jean-Paul. Ce projet fera participer jeunes et plus âgés à un travail de recherche, d’écriture et de création commune qui est au coeur de l’action de médiation par le livre... et par l’ordinateur.
Voir également :
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www.participation-brest.net/article...
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[1] Le métier de médiateur du livre est né dans les années 1990 du travail conjoint d’ATD Quart Monde et du ministère de la Culture. Les médiateurs du livre œuvrent dans des bibliothèques ou d’autres lieux culturels en essayant de « sortir des murs » et d’amener vers ces lieux les familles qui les fréquentent le moins.
[2] http://mpt-valy-hir.infini.fr.
[3] Et GénérationCyb en commence cette semaine une diffusion hebdomadaire.
Mis en ligne le mercredi 26 avril 2006