Nine Inch Nails en Creative Commons

Un article repris du blog musical de Phil Axel, un site sous licence Creative Commons
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Voilà l’expérience que j’attendais depuis un moment. Jusqu’à présent, le partage de musique en CC était considéré comme une alternative pratiquée par des groupes ou musiciens marginaux exclus du circuit traditionnel. Ils sont déjà quand même plusieurs dizaines de milliers sur la toile, mais les maisons de disques et la SACEM persistent à ignorer cette logique de manière totalement incompréhensible. Cette fois, c’est un groupe américain à la renommée internationale, qui génère un chiffre d’affaire conséquent, qui tente l’expérience Creative Commons, sous l’impulsion de son chanteur leader Trent Reznor. Le dernier album de Nine Inch Nails est en effet disponible en plusieurs formats au téléchargement, on peut le partager librement, l’utiliser librement dans le cadre non lucratif et les remix sont autorisés. Une version CD et une version Vinyl seront bien vente en Juillet, mais surtout, le groupe compte se récupérer sans doute sur une tournée à venir et la vente de « merch » divers et variés (comprenez merchandising=produits dérivés). Parmi ces produits dérivés, je me suis arrêté sur ce livre au format luxueux qui accompagne un coffret. Selon génération mp3, les 2500 exemplaires à 300 dollars de ce coffret seraient déjà vendus, soit déjà 750 000 dollars de CA quand même… Il faudra suivre de près les résultats financiers de cette expérience, car pour moi c’est le modèle économique le plus cohérent avec la révolution numérique.

Sur son site Internet, le groupe encourage les fans à faire des remix et à poster des vidéos sur Myspace, dailymotion ou Youtube, en bref, de faire vivre et circuler la musique, ce qui est sa fonction naturelle. On espère ainsi gagner la première bataille qu’une entreprise culturelle devra mener sur la toile : celle de l’attention. Quand vous vous adressez à un public qui a déjà des milliers de fichiers sur ses disques durs ou ses baladeurs Mp3, comment voulez-vous lui vendre de nouveaux fichiers qu’il n’a même pas encore écouté ? Ce public là aujourd’hui, regarde les clips vidéos sur Youtube ou Dailymotion, mais voilà, pour un groupe comme Nine Inch Nails qui travaille sur les atmosphères sonores, la restitution du son par youtube est une catastroche. Donc autant faire en sorte que l’on s’échange de bons fichiers gratuits, correctement codés et tagués avec le nom du groupe et les titres, et non pas des fichiers mp3 enregistrés directement à partir d’une écoute sur Deezer par exemple, codés en mp3 ensuite sans même le titre du morceau ni le nom du groupe…Et dire que le streaming audio, la SACEM trouve cela génial, je meurs …

Une fois que la musique a été écoutée dans de bonnes conditions, alors il s’agit de rentabiliser l’investissement nécessaire à sa production. Pour cela, les artistes ne sont pas contre le fait de percevoir des droits d’édition pour les usages lucratifs, de vendre des places de concerts et des objets dérivés. Les artistes aiment les beaux objets et le public aussi. Ce livre de Nine Inch Nails par exemple, me plaît beaucoup. L’idée d’accompagner les enregistrements sonores par des photos, des lithographies, des hologrammes, les textes des chansons, la genèse racontée de leur création, voir même les partitions ou les grilles d’accords etc. Tout cela, c’est à la fois du domaine du commercial tout en restant dans le domaine de l’artistique. Cela met à contribution toute une chaîne de créatifs : les illustrateurs, les designers, le packaging, les photographes, les peintres, les dessinateurs de BD, les créateurs d’images en 3D ou en relief etc. La question n’est pas tant de savoir si le groupe ou le musicien est déjà célèbre ou pas pour que cela marche, elle est importante, d’accord, mais demain, ce qui sera plus important encore, c’est la cohérence d’ensemble du message, de son originalité, des valeurs exprimées, de la singularité artistique. En bref, ce qui fait le commerce des produits culturels, comme sans doute aussi, le commerce en général, c’est la valeur symbolique, qui passe d’abord par la mise en place des conditions de son libre échange.

Posté le 18 mai 2008

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