Le Réseau Éducation‐Médias est un organisme canadien sans but lucratif, qui se donne pour objectif « d’aider les jeunes à développer l’esprit critique et les habiletés nécessaires pour mieux comprendre l’univers des médias et s’y engager activement, en toute sécurité ».
Utiliser, comprendre, créer … 3 étapes-clés pour construire les compétences numériques
La littératie numérique se définit par :
- les aptitudes et les connaissances voulues pour avoir accès aux nouvelles technologies et utiliser une série de logiciels de médias numériques ainsi que des périphériques comme l’ordinateur, le téléphone portable et la technologie Internet ;
- la capacité de comprendre les applications et les contenus numériques ;
- les connaissances et les aptitudes requises pour pouvoir créer à l’aide de la technologie numérique.
On peut être né avec le numérique et ne pas en maîtriser les usages
De part son expertise en matière d’éducation aux médias auprès des jeunes, le Réseau Éducation‐Médias souligne qu’il y a un risque à surestimer les compétences numériques des 16-24 ans, comme l’encourage la distinction entre « digital natives » et « digital immigrants », selon la formule popularisée par Marc Prensky.
« Le simple fait de savoir utiliser un logiciel ou un moyen de communication électronique ne signifie pas nécessairement que l’utilisateur en saisit bien le contexte ou toutes les possibilités créatives. En faisant la distinction entre « natif numérique » et « immigrant numérique », on suggère à la génération plus âgée d’abdiquer toute responsabilité d’éducation auprès de la jeune génération ; de toute évidence, ce concept dessert nos intérêts lorsqu’on tient compte de cette tendance, qu’ont les jeunes, d’utiliser les nouvelles technologies sans prendre en compte les conséquences personnelles, sociales et éthiques qui en découlent, ni les risques qui s’y rattachent. »
Plutôt que d’adopter la dichotomie « natifs » et « immigrants », The Report of the Digital Britain Media Literacy Working Group (mars 2009), le groupe de travail sur la littératie numérique en Grande‐Bretagne, a élaboré des stratégies visant à rehausser le niveau de littératie numérique en se basant sur une gamme d’archétypes comportementaux : l’engagé, l’économe, le pragmatique, l’hésitant et le résistant.
Fig 2 : Attitudes face aux Médias Numériques
Pour l’engagé, grand utilisateur de technologies numériques mais pas toujours bien informé sur les risques ou règles à respecter – qu’on retrouve surtout chez les adolescent et les jeunes adultes - l’éducation au numérique doit inclure l’évaluation critique, la prise de conscience des risques et la capacité à créer.
Pour l’hésitant, qui utilise le strict minimum comme le courrier électronique dans le cadre de son travail, le soutien en littératie numérique sera le plus profitable, tant dans l’utilisation de base que dans l’évaluation critique et la découverte des possibilités de création.
Le résistant aux nouvelles technologies numériques, que l’on trouve surtout chez les plus de 65 ans, est d’avis que les risques, les coûts et les ennuis sont bien supérieurs aux bénéfices qu’il pourrait en tirer. Une campagne visant à promouvoir la littératie numérique auprès de cette population doit d’abord convaincre de la valeur du numérique en apportant des raisons valables de s’intéresser aux technologies numériques et de les utiliser.
Disposer d’un accés à (très) haut débit n’est pas à la portée de tous, savoir utiliser pleinement le numérique encore moins
Le document souligne aussi la dimension socio-économique dans les disparités d’usages et de compétences numériques.
Il rappelle que construire des réseaux sans fil et à large bande ne suffit pas à assurer le développement de l’économie numérique et qu’il est urgent de consacrer des moyens équivalents aux programmes de formation aux compétences numériques.
« La première étape vers la culture numérique est d’offrir aux individus à faible revenu l’accessibilité aux réseaux à large bande. Mais ce ne serait qu’un début, on ne peut se contenter d’offrir des ressources techniques aux plus démunis : encore faut‐il leur donner des ressources complémentaires soutenant la littératie numérique. »
Faisant référence à divers rapports et études récentes, les auteurs du document soulignent que d’autres pays comme les Etats-Unis (National Broadband Plan : Connecting America), l’Australie (Future Directions), la Nouvelle-Zélande (Digital Strategy 2.0) et le Royaume‐Uni (Digital Britain) ont pris en compte dans leurs stratégies de développement de l’économie numérique l’importance de la question-clé des compétences numériques de la population.
A noter que le document souligne le rôle-clé des bibliothèques :
« Les bibliothèques publiques sont des partenaires stratégiques pour l’essor de la littératie numérique chez les Canadiens. Parce qu’elles sont gratuites, accessibles et adoptent une politique d’inclusion, les bibliothèques publiques du Canada demeurent le réseau informel d’apprentissage au sein de notre société – une sorte « d’université populaire » ‐ en cette ère du numérique. »
Une stratégie pour développer les compétences numériques de la population
La stratégie de mise en oeuvre de la littératie numérique imaginée par Réseau Education Médias pour le Canada, propose de s’appuyer conjointement sur quatre secteurs influents :
- l’éducation,
- la formation professionnelle,
- l’action gouvernementale,
- les programmes communautaires et les actions de sensibilisation du grand public.
Elle souligne la nécessité d’une action concertée et d’une approche globale d’éducation tout au long de la vie.
Je vous passe le détail des propositions qui doivent être appréciées dans le contexte canadien, mais je retiens la dernière, qui me semble tout aussi adaptée à la situation française et pourrait se développer au niveau international : Il s’agit de « Créer un réseau pour le transfert du savoir en médias numériques ».
« On devrait créer et soutenir un réseau pour le transfert du savoir, destiné aux éducateurs et aux entreprises, afin de partager des informations en matière d’éducation aux médias numériques et de formation en milieu de travail. Il s’agirait d’un site Web conçu pour les éducateurs, les gestionnaires, les formateurs, les conseillers d’orientation et les concepteurs de ressources pédagogiques en ligne ; mais ce serait également un lieu régulier de rencontres publiques voué aux remue‐méninges et au partage des connaissances. Au sein de ce réseau pour le transfert du savoir, les projets éducatifs ne seraient pas propriétaires, mais adopteraient plutôt le modèle libre, où les idées, les programmes et les projets seraient redonnés à la communauté. »