Quel est l’objectif ?
- Disposer d’indicateurs d’e-inclusion qui soient :
- Appropriés au regard des nouveaux objectifs proposés pour une politique d’e-inclusion : accès "étendu" (au réseau et aux services essentiels), littératie, pouvoir d’agir et médiation ;
- Mesurables d’une manière aisée et cohérente à l’échelle nationale, régionale (au minimum) et de préférence, à celle des "bassins de vie" ;
- Exploitables par tous ceux qui en ont besoin, depuis les décideurs publics nationaux en charge de la définition de politiques publiques jusqu’aux acteurs de terrain qui ont besoin de piloter leur action, en passant par les maires, les chercheurs, les entreprises, les médias, etc.
- Comparables dans le temps (donc récurrents et stables dans leur construction) et l’espace, y compris, dans toute la mesure du possible, à l’échelle européenne et internationale.
- Accomplir un saut qualitatif dans la connaissance des usages du numérique, de leurs dynamiques d’appropriation et enfin, des liens entre, d’une part, l’offre et les pratiques numériques et, d’autre part, les mécanismes d’inclusion et d’exclusion socio-économiques.
- Relier le travail sur les indicateurs "numériques" avec celui qui concerne les nouveaux indicateurs de richesse ou de développement humain.
A quoi reconnaît-on que l’on progresse ?
- L’usage de ces indicateurs pour :
- Fonder la définition d’objectifs de politique publique, puis l’évaluation de ces politiques ;
- Contribuer à l’évaluation (ex ante ou ex post) de projets sous l’angle de l’e-inclusion.
- La réutilisation de ces indicateurs dans d’autres enquêtes, en particulier des enquêtes observant l’inclusion socio-économique sous d’autres angles, ou encore des enquêtes internationales.
- La contribution de la recherche française à la compréhension des enjeux et des défis de l’e-inclusion à l’échelle européenne.
Pourquoi est-ce important ?
On ne peut pas porter une politique publique d’e-inclusion dotée d’une vision stratégique si l’on ne dispose pas d’une solide capacité d’observation de la manière dont le numérique pénètre les activités humaines, dont les citoyens s’en emparent et dont cette appropriation influe sur les conditions de l’inclusion ou de l’exclusion sociales.
L’observation remplit trois fonctions qu’il est important de ne pas confondre :
- Comprendre ce qu’on est en train de faire, de vivre, de voir émerger.
- Fonder une stratégie, comprendre ce qu’il faut faire, identifier des priorités en amont.
- Faire le bilan, évaluer, réorienter si besoin.
Or aujourd’hui, l’action publique ne dispose pratiquement nulle part des outils pour remplir ces fonctions :
- Les indicateurs sur lesquels elle fonde ses politiques d’e-inclusion mesurent en général l’accès à l’internet et l’usage de quelques services. Ils ne rendent pas compte des différences en termes d’appropriation, de compétences, de capacité à agir dans la société d’aujourd’hui.
- Aucune stratégie n’organise la moindre cohérence entre les observatoires régionaux, là où ils existent et les enquêtes nationales, elles-mêmes peu coordonnées.
- Les observatoires dédiés au numérique ne se croisent que très rarement avec d’autres observatoires locaux, régionaux ou nationaux en matière économique, sociale, urbaine, environnementale, de mobilité…
Ce n’est pas faute de connaissances, ni de compétences. Plusieurs régions soutiennent depuis longtemps des travaux de recherche et / ou de mesure très productifs : M@rsouin en Bretagne, Raudin et AEC en Aquitaine, l’Obtic en région PACA et d’autres encore, réunis par exemple dans le réseau SOURIR ; [1]. Mais cet effort n’est ni soutenu ni consolidé à l’échelle nationale.
Comment faire ?
Nous proposons quatre actions à plus ou moins long terme :
- A court terme, capitaliser sur les efforts existants pour définir rapidement une série de 5 à 10 indicateurs "open source", relativement faciles à mettre en oeuvre dans le cadre d’enquêtes, et inviter toutes sortes d’acteurs à les mesurer "en réseau", chacun à son échelle (nationale, régionale, locale, voire plus fine). Ce travail, qui pourrait être coordonné par l’Observatoire du numérique, l’Insee ou une structure équivalente [2], doit s’attacher à reconnaître les travaux existants et ceux qui les ont conduits, et se concevoir comme un effort continu, renouvelant et étendant sans cesse le partage d’expériences. Afin d’être pleinement appropriables par les acteurs, tant la définition des indicateurs que leurs valeurs doivent être disponibles sous la forme de données ouvertes.
Que devraient mesurer les nouveaux indicateurs d’e-inclusion ? Par rapport aux indicateurs actuels, focalisés sur la mesure de l’équipement et de l’usage "brut" (fréquence, usage de certains services) [3], les indicateurs à développer devraient :
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- S’appuyer sur ces indicateurs pour :
- Définir les objectifs politiques en matière d’e-inclusion, mesurer leur réalisation, débattre publiquement et de manière ouverte de leurs effets et de leurs évolutions ;
- Savoir évaluer les effets de politiques numériques en matière d’e-inclusion, même lorsque celle-ci n’en est pas l’objet principal. Plusieurs des intervenants auditionnés ont ainsi décrit le potentiel "excluant" des politiques volontaristes de développement de l’e-administration : ont-ils raison, ont-ils tort, y a-t-il des cas où c’est vrai et d’autres moins ?
- Evaluer des projets numérique ex ante ou ex post.
- En vue du long terme, définir des programmes de recherche en Sciences humaines et sociales (SHS) centrés sur la mesure des usages et la dimension sociale du développement du numérique. Ces programmes devraient, entre autres choses, s’efforcer de développer des connaissances et des outils de mesure relatifs aux priorités proposées par le présent rapport. Le soutien à de telles thématiques de recherche pourrait se manifester par la création de programmes ANR spécifiques, privilégiant des recherches participatives et pluridisciplinaires, ou la mise sur pied d ‘appels à projets "Investissements d’Avenir", dédiés au lien entre développement du numérique et inclusion socio-économique. Une part des financements européens pourrait aussi y être consacrée.
- Favoriser le développement de "labels" valorisant des initiatives collectives en matière numérique, ou l’évolution des labels existants (« Ville Internet », « NetPublic »), de manière à stimuler l’innovation décentralisée en la matière.
Comment financer cette priorité ?
Le coût d’un effort de mesure et de recherche est négligeable par rapport aux investissements réalisés en faveur du développement des usages numériques. Sa mise en oeuvre constitue en revanche une condition pour que cet effort ne se réalise plus en "aveugle", sans connaissance de ses effets réels sur l’inclusion sociale et économique.