Dans le cadre du colloque "Une société Numérique Solidaire" organisé par le secrétariat d’Etat chargé de la Prospective et du Développement de l’Economie Numérique, l’association CRéATIF a été sollicitée pour intervenir à l’occasion du premier atelier de l’économie numérique solidaire, le 28 mai dernier.
L’intervention a eu lieu dans la première table-ronde sur
«
Les leviers numériques de l’aide à l’emploi : autour des Espaces Publics Numériques » pour lequel il a été explicitement demandé à CRéATIF de présenter les Espaces Publics Numériques. Les autres intervenants de cette table-ronde étaient des représentants de la Délégation aux Usages de l’Internet, de la Caisse des Dépôts et Consignations, du Pôle emploi et de l’APPEI
CRéATIF était représenté à cette manifestation par Yannick Landais et Marie-Hélène FERON qui sont intervenus pour défendre le rôle des Espaces Publics Numériques (EPN) dans l’accompagnement des demandeurs d’emploi.
A la suite de cet atelier, la secrétaire d’Etat chargée du développement de l’économie numérique, Nathalie Kosciusko-Morizet a annoncé vouloir s’appuyer sur les EPN pour permettre aux demandeurs d’emploi d’être accompagnés dans l’utilisation du multimédia et d’Internet leur facilitant ainsi leur recherche à une époque où ce média joue un rôle majeur, notamment dans le secteur de l’emploi.
A cette fin, un portail sera réalisé par la Délégation aux Usages de l’Internet, en partenariat avec la Caisse des Dépôts et Consignations et l’association CRéATIF pour mettre en ligne des ressources destinés principalement aux animateurs d’EPN et aux accompagnants professionnels de l’emploi.
Ci-dessous le texte intégral de la présentation qui en a été faite ce jour là.
Bonjour,
J’interviens tout d’abord au titre de mon travail d’observation, d’information et d’accompagnement dans le domaine de l’accès public à Internet en Ile-de-France au sein de l’Agence Régionale des Technologies et de la Société de l’information (ARTESI Ile-de-France) dont les actions consistent
à sensibiliser les
collectivités territoriales franciliennes et à leur permettre de s’approprier
les usages des technologies de l’information et de la communication.
J’interviens également en tant que représentante de CRéATIF.
CRéATIF est une association qui fédère un grand nombre d’acteurs de terrain dans le domaine de l’accès public à Internet en France, et tout particulièrement des animateurs de réseau sur les territoires.
Ses actions sont essentiellement centrées sur la mutualisation et le partage d’expériences que ce soit sous forme de guides, en ligne ou encore à l’occasion de rencontres régulières sur des thématiques d’actualité propres à ce secteur.
La dernière de ces rencontres a justement porté sur les nouveaux services qui peuvent se développer dans les lieux d’accès public à Internet accompagné ou Espaces Publics à Internet dont je vais parler ici.
PRESENTATION RAPIDE DES EPN
Les Espaces Publics Numériques ou encore « EPN » qui est aujourd’hui devenu un terme générique recouvre tous les types de lieux qui existent sous des labels ou des noms différents.
Qu’est-ce donc qu’un EPN :
C’est un lieu de proximité,
ouvert à tous,
accessible gratuitement ou à faible coût,
équipé d’ordinateurs connectés à Internet qui offre,
grâce à la présence d’un ou plusieurs animateurs,
un accompagnement sous forme d’ateliers collectifs ou individuel
pour permettre à tout un chacun :
• de s’initier aux technologies du multimédia, à leurs usages et à Internet,
• de mieux maîtriser les nouveaux outils et services qui se développent et notamment les services publics en ligne.
Les activités les plus couramment proposées dans les EPN concernent l’initiation de base à l’utilisation d’un ordinateur et à Internet, la création de boîte aux lettres et la recherche d’information, l’utilisation de traitement de texte et de tableurs mais aussi la retouche d’image, la création de blog ou autre formes d’écritures en ligne, l’accompagnement dans l’utilisation des démarches administratives en lignes, …
Ces espaces sont fréquentés non seulement par des « primo » utilisateurs, mais également par des utilisateurs avertis du fait de la convivialité, de l’intelligence collective et de l’esprit de partage qui règnent dans ces lieux.
Ce sont également des lieux de mixité sociale et générationnelle qui sont généralement implantés dans des
structures existantes comme des bibliothèques, des MJC, des centres sociaux, des écoles, etc mais peuvent aussi être une structure autonome.
Ils sont financés par une collectivité locale et tous ont un statut soit public soit associatif.
CREATION DE CES EPN
Dès 1998, ces espaces sont nés de politiques territoriales et nationales dont l’objectif était, au vu de l’évolution de l’utilisation de la micro-informatique, du multimédia et évidemment d’Internet, d’éviter que ne se creuse un fossé entre ceux qui maîtrisent les technologies numériques et les autres.
Tous ces EPN ont donc eu comme mission commune de sensibiliser et d’initier la population locale aux usages du multimédia et d’Internet, et tout particulièrement les publics qui sont les plus éloignés de ces savoirs et de l’accès à ces outils, quelques en soient les raisons : économique, sociale, culturelle ou géographique.
PANORAMA NATIONAL
Si ces politiques ont toutes un objectif commun
- la réduction de la fracture numérique –, elles ont aussi des spécificités propres. Ainsi, dans le panorama français on retrouve 3 grands réseaux nationaux :
• les Espaces Culture Multimédia (ECM) liés au Ministère de la Culture pour lesquels la dimension production culturelle est essentielle,
• les « Points Cyb » initialement soutenus par le Ministère de la Jeunesse et des Sports devenu depuis Haut Commissaire à la Jeunesse ;
• le réseau Cyber-base mis en place dans le cadre du mandat donné par l’Etat à la Caisse des Dépôts et Consignations.
A côté de ceux-ci, il existe de très nombreux réseaux territoriaux
à l’échelle des régions, des départements, voire des communautés de communes et des communes. Je ne le citerai pas tous, mais certains sont bien connus et ont des appellations propres comme les Cybercommunes en Bretagne, les Cybercentres en Région Nord-Pas de Calais, les ERIC en région PACA, les EPNE en Essonne ou encore les PAPI à Brest, …
En dix ans de politiques de lutte contre la fracture numérique, et malgré les aléas liés aux financements de ces lieux, plus de 4000 EPN se sont développés en France. Ces espaces ont permis à un très grand nombre de personnes de s’initier et de se perfectionner. Ils constituent les acteurs principaux de la démocratisation de l’accès à Internet.
FRACTURES NUMERIQUES
Pour autant, en 2008, 37% de la population française ne s’est jamais connecté à Internet. Le travail d’accompagnement qui est fait par les animateurs de ces lieux reste important pour arriver à réellement réduire non plus une fracture numérique mais les fractures qui se développent aussi bien parmi les personnes encore éloignées que parmi celles qui se servent d’un ordinateur mais qui peuvent se sentir dépassées par les évolutions rapides dans le monde en mutation perpétuelle dans lequel nous sommes. Il ne s’agit pas donc plus seulement de personnes « défavorisées » mais nous pouvons tous à un moment ou à un autre de notre vie avoir recours à ce type d’aide.
LES ANIMATEURS
Avant d’aller plus loin sur les activités des EPN, il me semble important de faire un petit rappel sur qui sont les animateurs de ces espaces. Dans les premières années, ces animateurs ont été recrutés dans le cadre du dispositif des Emplois-jeunes avec des profils de formation très diversifiés. On peut trouver des autodictactes tout comme des Bac+5 dans des domaines de formation qui n’ont aucun rapport avec le multimédia.
Les compétences qui leur sont demandées ne relèvent pas d’un métier inscrit au ROME et on parle souvent de « mouton à 5 pattes » pour trouver la personne qui saura à la fois accueillir des publics avec des problématiques différentes, créer et animer des ateliers, résoudre des problèmes techniques voire faire de la maintenance, faire preuve de pédagogie, gérer un espace, et encore s’auto-former sur les évolutions permanentes de ces technologies, etc.
Les premiers animateurs étaient surtout des techniciens qui ont su rebondir vers d’autres postes en entreprise, si la tendance actuelle va plutôt au recrutement de personnes ayant des profils d’animation, il faut aussi leur permettre d’acquérir des compétences techniques.
LES PUBLICS
Dans les toutes premières années de leur existence, ces lieux étaient majoritairement fréquentés par des jeunes, scolarisés ou non, attirés par ces nouveaux outils … Mais au fil des années, les publics se sont diversifiés.
Très vite les EPN ont été investis par les demandeurs d’emploi et plus récemment par des personnes âgées, le maillon manquant étant le public adulte actif, qui on peut l’espérer a accès à Internet sur son lieu de travail – du moins, pour un certain nombre d’entre eux -.
Les motivations des demandeurs d’emploi qui viennent dans un EPN sont souvent liées, au-delà de l’accès à Internet, à la convivialité des lieux mais aussi au fait qu’en tant que chercheur d’emploi, ils se sentent moins stigmatisés dans cette démarche en allant dans des lieux où ils côtoient des publics variés et bénéficient d’un accompagnement.
LES EPN DANS L’ACCOMPAGNEMENT DES DEMANDEURS D’EMPLOI
Dès 2001, les animateurs d’espace ont donc mis en place des ateliers spécifiques pour ces publics, qui leur permettent d’apprendre et de pratiquer le traitement de texte, la recherche sur Internet ou la création de boîte aux lettres, minimum nécessaire à une utilisation du multimédia et d’Internet pour une recherche d’emploi et qui peuvent se prolonger par une approche des différents sites d’emploi et d’une méthodologie adaptée à cette recherche.
Preuve, s’il en est, de cette tendance, en 2002, soit 2-3 ans après l’ouverture des premiers espaces publics numériques, l’association les « Jeudis des EPN », qui travaille à la valorisation de ce qui se fait dans les espaces publics numériques avait organisé une rencontre sur le thème des EPN et de l’accès vers l’emploi.
A cette époque, plusieurs expériences font état de partenariats avec des missions locales notamment, ou d’autres structures d’accompagnement à l’emploi.
En 2004, des constats font état d’une nouvelle montée en puissance de la fréquentation des EPN par les demandeurs d’emploi… pouvant représenter jusqu’à plus d’un tiers du public dans certains espaces.
L’accompagnement des demandeurs d’emploi dans les EPN n’est donc pas une nouveauté, c’est une partie non négligeable de leur activité, même si les ressources manquent parfois et si les partenariats ne sont pas toujours présents localement pour compléter cet accompagnement.
ROLE PRIMORDIAL DE L’ANIMATEUR
Au sein de ces EPN, le rôle de l’animateur est primordial.
C’est celui qui invite les personnes à comprendre le nouvel environnement dans lequel il devient nécessaire de savoir se débrouiller.
C’est celui qui apprend à connaître les besoins des publics et qui cherche à leur répondre à la fois de façon collective en programmant des ateliers adaptés, et individuelle par la prise en compte de la situation personnelle de chacun. Son rôle de médiation est essentiel et sans lui, l’espace ne serait qu’un lieu d’accès sans âme.
PAS TOUT SEUL
L’existence de ces espaces et leur proximité sur les territoires en font des lieux susceptibles d’intéresser de nombreuses politiques sociales ou culturelles.
Pour autant, l’animateur ne peut remplir toutes les nouvelles missions qui lui sont demandées. D’accompagnant dans les usages multimédia et d’Internet, il doit parfois avoir aussi des compétences dans d’autres domaines. Ainsi, l’accompagnement des demandeurs d’emploi nécessite de connaître les services et les outils disponibles en ligne et la manière de les utiliser dans la société actuelle, mais les besoins des demandeurs d’emploi vont au-delà de cet aspect technique … il y aussi une demande d’écoute, d’orientation, de conseils… qui ne sont plus du ressort des animateurs. En ce sens, ils ne peuvent travailler seuls à l’accompagnement des demandeurs d’emploi et les partenariats restent essentiels.
C’est d’ailleurs dans ce sens que se sont développées depuis quelques années des cyber-bases emploi qui sont des espaces spécialisés pour ces publics réunissant les compétences des acteurs de l’emploi et celles des animateurs multimédia.
Si les EPN jouent déjà un rôle important dans l’accompagnement des demandeurs d’emploi, il ne s’agit pas pour les animateurs multimédia de faire à la place des agents compétents dans le secteur de l’emploi, mais bien de travailler avec eux en explicitant les tâches de chacun. Il ne s’agit pas non plus de faire plus sans moyens supplémentaires, mais, au contraire, d’être soutenus dans leurs pratiques actuelles.
ROLE DES EPN
Le rôle des EPN, sous réserve qu’ils soient soutenus dans leurs actions, est important et concerne tout autant ces publics éloignés que ceux déjà initiés. Le soutien des animateurs passent par une reconnaissance de leur travail, par des formations et par la mise à disposition de ressources mais aussi de moyens permettant d’assurer leur pérennité.
Et comme j’arrive à la fin, ce que j’ai voulu dire ici, c’est que les missions des EPN intègrent déjà l’accompagnement des publics demandeurs d’emploi et qu’il serait intéressant de travailler à une approche coordonnées et structurée entre les professionnels de l’emploi et les EPN en indiquant clairement les rôles et les limites de chacun.
RECOMMANDATIONS
Il me semble que l’une des toutes premières choses à faire – et c’est ce que nous initions aujourd’hui avec des représentants à cette table-ronde des deux mondes : celui des l’accès public à Internet et celui des Professionnels de l’emploi – … serait de favoriser une meilleure communication et connaissance de ces lieux, de leurs activités, de leur implantation, auprès des acteurs susceptibles de travailler avec eux sur cet accompagnement des demandeurs d’emploi.