Une interview de Richard M. Stallman sur musique-libre.org

musique-libre.org, avec des millions de gens, pose des questions.
A écouter les grosses voix, majors [pouvoir], ministres [pouvoir],
le partage serait la source même de tous les maux,
on ne devrait plus jamais entraver le "copyright" :
Il faudra surveiller & punir.

Qu’en est-il de l’échange commun, de la culture et du savoir,
des oeuvres d’art ? Qu’en est-il de la liberté de la création ?
Qu’en est-il de la communauté humaine ?
musique-libre.org a interrogé Richard M. Stallman,
auteur de la Licence Publique Générale (GNU GPL) :
son avis n’est pas anodin.

Un article repris de muqiqe.libre ->
http://www.musique-libre.org
]

Copyleft : Richard Stallman : Teaching people to stand up

(note) - m-l.org :
M. Stallman, pouvez-vous préciser la position de la FSF sur l’art libre & la musique libre ; la FSF déclare en effet maintenant : "Nous ne pensons pas que les oeuvres artistiques ou de divertissement doivent être libres" ("doivent" au sens d’obligation , cf. http://www.gnu.org/licenses/licenses.fr.html#OtherWorks )

RMS :
La Fondation pour le Logiciel Libre se consacre aux logiciels et à leur documentation. Elle n’entend pas déborder le champ du logiciel et prendre position sur d’autres types d’oeuvres.

A titre personnel, je prends position pour la liberté d’utilisation des oeuvres non logicielles. Cependant, il faut nuancer les choses. Je crois qu’il y a une liberté essentielle qui s’applique à toute oeuvre publiée, et qui est la liberté d’en redistribuer des copies et des versions modifiées pour un usage non commercial.

En outre, Lawrence Lessig m’a convaincu que nous devons affirmer que le remix est une liberté essentielle. Je tenterais de définir le remix comme le fait d’utiliser des parties de diverses oeuvres, en les modifiant le cas échéant, dans une autre oeuvre dont le sens et le contenu peuvent être très différents.

Je crois que nous devrions avoir ces deux libertés, pour la musique et pour l’art. Dire que la musique et l’art doivent toujours être libres serait aller beaucoup plus loin, et je ne vais pas aussi loin. Je ne crois pas qu’il soit essentiel pour tout le monde de redistribuer commercialement des oeuvres musicales et artistiques, ou de publier des versions modifiées - du moins pas immédiatement. Il est très bien de devoir attendre pendant un délai raisonnable, disons dix ans, que le copyright arrive à expiration avant qu’il soit possible de le faire.

m-l.org :
Comment voyez-vous l’actuel développement du mouvement de la musique libre (des centaines de milliers de morceaux, un foisonnement de labels copyleft) ; notamment s’agissant de la prolifération des licences libres ?

RMS :
Je ne suis pas très au fait dans le détail - je ne connais pratiquement pas ces licences. Mais au final, je ne suis pas sûr que l’on utilise les mots "libre" et "copyleft" dans le même sens.

Par exemple, "copyleft" suppose une clause spécifique, présente dans certaines licences libres mais pas dans toutes, qui déclare : " Vous êtes libres de publier une version modifiée, mais seulement sous la même licence que l’original". C’est l’idée que j’ai eue en 1984 et que j’ai incorporé à la Licence Publique Générale GNU. Existe-t-il des labels de musique qui ne publient que de la musique copyleft - ou bien y a-t-il un malentendu là-dessus ?

m-l.org :
A propos des conflits sur le copyright dans le secteur artistique et du divertissement, quelles pistes et méthodes pensez-vous les mieux appropriées pour la défense des biens communs ?

RMS :
Le moyen de "défendre les biens communs", sur ce point précis, est d’utiliser des licences qui ne permettent pas la privatisation (appropriation) d’une oeuvre ou de ses versions modifiées. Cependant, nous devons aller plus loin. Les lois sur le copyright donnent déjà trop de pouvoir aux éditeurs - et ils essaient d’en acquérir toujours plus. Nous devons les arrêter, et commencer à les contraindre à reculer.

Cela sera difficile dans un régime de gouvernement non démocratique comme l’Union Européenne. Les Européens devraient profiter du rejet de la constitution pour exiger une nouvelle constitution, démocratique, pour l’Union Européenne. Dans une telle constitution, toute directive devrait commencer au Parlement, puis parvenir à une "chambre haute" qui serait les peuples votant par référendum dans leurs pays respectifs. La Commission Européenne et le Conseil des Ministres ne devraient pas avoir de pouvoir législatif au niveau européen.

m-l.org :
Pour conclure, quelle est pour vous la tâche la plus importante du mouvement du Libre aujourd’hui ?

RMS :
Apprendre aux peuples à se dresser fièrement et à exiger le droit de copie et de remix à usage non commercial.


texte anglais original
m-l.org :
Mr Stallman, could you precise the position of the FSF on free art (& free music), now declaring : "We don’t take the position that artistic or entertainment works must be free" ( on http://www.gnu.org/licenses/licenses.html#OtherWorks ) ?

RMS :
The Free Software Foundation is concerned with software and its documentation. It doesn’t want to go beyond software to take a position about other kinds of works.

I personally do take a position about freedom to use other kinds of works. However, it doesn’t go quite that far. I believe there is an essential freedom that applies to every published work, and that is the freedom to noncommercially distribute modified versions. In addition, Larry Lessig has convinced me we need to cite remix as an essential freedom. I would define remix as quoting parts of various works, perhaps with changes, in another work whose overall message is very different.

I believe we should have those two freedoms, for music and art. To say that music and art must always be free would going a lot further, and I don’t go that far. I don’t think that it is essential for everyone to have the freedom to commercially redistribute music and art works, or to publish modified versions—not immediately. It is ok if we have to wait for some reasonable period of time, such as ten years, for the copyright to expire before we can begin doing those things.

m-l.org :
How do you see the current development of free music movement (hundred of thousands tracks, increasing number of copyleft labels) ; particularly considering the proliferation of licenses ?

RMS :
I don’t know the details of this—I have seen hardly any of it myself. As a result, I am not sure if we are using the words "free" and "copyleft" in the same way.

For instance, copyleft means a specific license provision, used in some free licenses but not all, which says "You’re free to publish a modified version, but only under the same license as the original." That’s the idea I had in 1984 and incorporated in the GNU General Public License. Are there music labels that only publish copylefted music—or are we having a miscommunication ?

m-l.org :
Concerning copyright conflicts in the artistic and entertainment sector, what ways & methods do you think most proper to defend the commons ?

RMS :
The way to "defend the commons" at a particular spot is to use licenses that don’t allow privatization of the work or its modified versions. However, we have to go beyond that. Copyright law gives the publishers too much power already—and they are trying to grab more. We have to stop them and begin rolling them back.

That will be difficult under an undemocratic system of government such as the European Union. Europeans should profit from the rejection of the constitution by demanding a new, democratic constitution for the EU. In this constitution, every directive should start in Parliament, and move on to the "upper house" which would be the people, voting in referendums in their various countries. The European Commission and the Council of Ministers should have no legislative power at the European level.

m-l.org :
Finally, what is for you the most important task of the Libre mouvement today ?

RMS :
Teaching people to stand up proudly and demand the right to do noncommercial copying and remix.

Licence : "Verbatim"
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Traduction française de musique-libre.org - 2005

Posté le 14 juillet 2005

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