Edition scientifique et professionnelle. Tendances

Ce que j’ai retenu du retour d’expérience du voyage d’étude organisé par le GFII à la foire de Francfort (12-16 octobre 2011) présenté par Michel Vajou et Ruth Martinez.

  • Le livre scientifique, centre de toutes les attentions

Springer numérise son catalogue historique remontant à 1840, pour conforter son image plus que par intérêt commercial, la longue traîne n’étant pertinente que dans certaines disciplines scientifiques, comme les mathématiques. A l’image du Journal citation index, son produit phare, Thomson Reuters lance « The book citation index », projet visant à extraire des citations, à hauteur de 25 000 ouvrages par an, principalement dans le secteur des sciences sociales et humaines où la transmission du savoir se fait surtout par le livre.

Elsevier fait une offre e-book de type big deal pour les bibliothèques, pour un fonds très large et une facturation sur les e-books consultés par l’utilisateur final. Thieme et d’autres éditeurs scientifiques ont conclu des accords avec la société française TEMIS pour des outils d’analyse sémantique en mode automatique produisant des métadonnées à partir de leurs fonds.

  • Le poids croissant des pays émergents : Inde, Chine et Brésil

L’Inde et son concept de livre low-cost en langue anglaise, soit pour un marché mondial dans un secteur scientifique où l’offre est traditionnellement chère, mais qui, envisageable dans le secteur médical, est impossible dans le secteur juridique, par exemple, où la base nationale reste incontournable. L’Inde toujours avec Focus medica, un producteur d’images animées en 3D pour son propre catalogue éditorial et pour d’autres éditeurs.

En Chine, des éditeurs qui établissent des partenariats avec les grands éditeurs du secteur STM (Spinger, Elsevier Wiley, Taylor & Francis) pour se développer sur le marché international afin de valoriser la recherche chinoise dont le poids, à l’image de celle d’autres pays émergents, croit de manière exponentielle. Parallèlement, toujours dans le domaine médical, des éditions en mandarin pour le marché chinois, toutefois avec une ambition internationale, la médecine traditionnelle chinoise ayant éveillé l’intérêt des occidentaux.

L’édition connaît aussi un essor au Brésil, mais le gouvernement soutient le développement des éditions adaptées au marché local, sans négliger pour autant le numérique.

  • Globalisation et perfectionnement des techniques pour les métiers liés à la production du livre

L’Inde reste un lieu de délocalisation pour des activités éditoriales mais pour des prestations à plus forte valeur ajoutée. Les prestataires se globalisent aussi. C’est ce que démontre un fournisseur d’impression à la demande aux États-Unis de livres imprimés sur une base nationale, qui a élargi son champ, en partenariat avec des prestataires d’autres pays (Allemagne et Brésil) au niveau mondial, et son offre aux e-book.

Une nouvelle génération de plateformes éditoriales non plus consacrées uniquement à la production, mais prenant en charge la transmission des textes dans tous les formats e-book, accompagnée d’une dimension « réseau social », ou encore des plateformes éditoriales intégrées proposant des modules pour les éditeurs, les auteurs et les designers.

Une gestion des droits en ligne avec « Rights links », module incrusté sur le portail de l’éditeur : un clic pour une licence et un paiement à l’acte, mode de gestion de transaction en ligne qui se développe, et des systèmes adaptés à l’Open Access, modèle où l’auteur (et son institution) paie pour être publié.

  • Les buzzwords 2011

Le Social reading, lecture numérique proche de l’univers des jeux vidéo et de la musique, devient tendance. Il pose toutefois des problèmes techniques liés à l’interopérabilité, des problèmes économiques, liés aux modèles à adopter, et des problèmes juridiques liés à la propriété des contenus (commentaires, annotations et autres traces laissées par les lecteurs). Les librairies et les bibliothèques deviennent des social places proposant des services personnalisés proches des lecteurs, les auteurs font leur marketing sur les réseaux sociaux et y proposent de nouvelles formes d’écriture, des plateformes se créent pour héberger des communautés et attirer les commentaires d’experts, y compris dans le secteur de l’édition professionnelle.

Les métadonnées, des outils marketing essentiels pour vendre les livres et dont la portée stratégique doit être saisie par les éditeurs, les livres aux métadonnées complètes et exactes étant les mieux vendus. L’importance à donner au contexte, objectif du web sémantique, par des contenus attractifs, de nouveaux services et un enrichissement dans le flux éditorial, transformant ainsi le livre produit en un livre service (avec les questions juridiques afférentes !).

Patron driven acquisition (PDA) ou lorsque l’utilisateur fait le choix des acquisitions en bibliothèques. Sachant que 40 % des livres acquis en bibliothèque ne sont jamais lus et 40 % jamais et 40 % trois fois dans l’année, l’option parait sensée, si ce n’est que ce système est incompatible avec les principes de gestion des établissements, non flexibles, avec les licences nationales qui se développent, encore moins avec la conception traditionnelle de la politique documentaire. Le PDA, non totalement éludé, occupe encore une place modeste (Sera-ce l’un des buzzwords de l’année 2012 ?)

  • Les standards des formats pour les e-books

La question, importante, des formats ouverts (adoptés notamment par Google), condition de l’interopérabilité, ou propriétaires (par Amazon ou Apple), joue un rôle majeur. Mais Epub 2, format ouvert, trop proche encore du pdf, peine à être adopté et, aujourd’hui aucune plate-forme ne produit de l’Epub 3, qui gère pourtant les médias (son et image dans le texte) et les alphabets non latins, creusant le décalage avec des technologies pourtant à notre disposition. Le standard ACAP qui normalise les métadonnées dialoguant avec les moteurs de recherche connaît, en revanche, un développement rapide.

  • Retour sur les buzzwords 2010

Ce fut le livre enrichi avec une dimension multimédia mais, en dehors du secteur médical, on note peu de progrès.

Ce fut aussi l’agency model qui se généralise aujourd’hui, sauf en France en raison de la loi sur le prix unique, mais qui pose des problèmes de modèles économiques pour les éditeurs avec l’arrivée des acteurs mondiaux (Amazon, Google, Apple). Mais le dumping d’Amazon se faisait dans un contexte US particulier (peu de librairies) et on note une reprise en main de la filière aval par les éditeurs (Hachette livre a négocié un accord plus favorable avec Apple) indispensable dans une logique de social reading, où les éditeurs doivent garder le contact avec l’utilisateur final. A retenir puisque les stratégies développées pour l’édition grand public par les acteurs globaux, sont généralement transposées dans le secteur professionnel.

Ou encore Books in the Cloud, ce qui exigerait, à mon grand étonnement, des moyens importants et des plates-formes capables de gérer cette dimension.

Rendez-vous au prochain Salon du livre où sera présenté un livre numérique avec tous les formats actuels sur toutes les plateformes françaises disponibles.

Illustr. Happy Hours in Sad Days. Pedro J Ferreira. Arroz do Céu. CC by-nc-nd

Paralipomènes

’actualité du droit d’auteur, de la protection de la vie privée, de l’accès à l’information et de la liberté d’expression à partir d’une veille exercée pour l’ADBS (association de professionnels et de l’information) et l’IABD (Interassociation archives-bibliothèques-documentation).


URL: http://paralipomenes.net/wordpress/
Via un article de Michèle Battisti, publié le 12 décembre 2011

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